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sa vie depuis sa naissance

Mahomet et la naissance de l'islam 
 
 
 
 
 
 
Mahomet et les débuts de l'islam :  
 
Mahomet et la naissance de l'islam 
 
16 juillet 622 : l'Hégire  
 
11 février 624 : rupture avec les juifs 
 
21 mars 625 : victoire d'Ohod 
 
8 juin 632 : mort de Mahomet 
 
Les piliers de l'islam 
 
 
L'archange Gabriel annonce à Mahomet la 8e sourate du Coran (miniature turque du XVIe siècle, RMN) : le visage du prophète est caché, conformément à la tradition musulmane 
 
20 août 636 : bataille du Yarmouk 
 
4 novembre 644 : assassinat du calife Omar 
 
17 juin 656 : assassinat du calife Othman 
 
10 octobre 680 : bataille de Kerbela 
 
11 juillet 711 : les musulmans en Espagne 
 
30 octobre 749 : dissidence de Saffah 
 
15 mai 756 : naissance de l'émirat de Cordoue 
 
14 septembre 786 : Haroun al-Rachid calife à Bagdad 
 
15 décembre 1055 : Toghrul-beg s'empare de Bagdad 
 
27 novembre 1095 : première croisade 
 
29 mai 1453 : prise de Constantinople 
 
3 novembre 1839 : la Sublime Porte se réforme  
 
20 janvier 1878 : les Russes aux portes de Constantinople 
 
3 mars 1924 : Moustafa Kémal abolit le califat
 
 
 
Au VIe siècle de notre ère, l'Antiquité jette ses derniers feux en Méditerranée orientale.  
 
La péninsule arabe est un désert parsemé de quelques rares oasis. Elle est seulement parcourue par des tribus d'éleveurs et des caravanes. Les grands empires orientaux, Byzance et la Perse, dédaignent de l'occuper. 
 
La Mecque (Mekka en arabe), oasis proche de la mer Rouge (ou Golfe Arabique), est l'une des rares villes de la péninsule. Elle compte 3.000 habitants sédentaires. Elle est dirigée par la tribu arabe connue sous le nom de Koraishites (ou Koraïchites). 
 
La fortune de la ville vient du commerce caravanier et d'un sanctuaire, la Kaaba, construit autour d'une mystérieuse pierre noire. Ce sanctuaire est un lieu de pèlerinage pour les idolâtres arabes de toute la péninsule (*). 
 
Mahomet avant l'Hégire 
 
Mahomet, futur prophète de l'islam, naît tout juste cinq ans après la mort de Justinien, le dernier des grands empereurs romains. Sa naissance, vers 570, va bouleverser le destin de La Mecque et de la péninsule arabe (*). 
Mahomet ou Mohammed ?  
 
Le prophète de l'islam est appelé en arabe Muhammad ou Mohammed, qui veut dire : "celui qui est louangé". 
 
Les historiens de langue française le nomment Mahomet, d'après une transcription qui remonte au XVIIe siècle. Cette appellation a l'avantage d'être comprise de tous les francophones (et adaptée à la phonétique française), ce qui n'est pas le cas des différentes transcriptions que font les arabisants du nom du prophète. 
 
Dans un souci de bienséance politique, certains auteurs utilisent la version anglaise Muhammad (Encyclopedia Universalis), d'autres Mohammed (Histoire de 2e, Hatier, 2001), Mohamed ou encore Mouhammad. De quoi y perdre son... latin. 
 
Le bon sens veut que l'on s'en tienne à l'usage (de la même façon que l'on désigne la capitale de la Chine par Pékin et non par l'appellation officielle Beijing). 
 
 
 
 
Le père de Mahomet est un marchand du nom d'Abdallah. Il meurt en voyage deux mois avant que n'accouche sa femme Amina. Lorsque celle-ci meurt à son tour, Mahomet n'a que six ans.  
 
L'orphelin est élevé par son grand-père, le chef du clan des Bani Hachem (les Hachémites), puis par son grand-oncle, Abou Talib (père de son futur gendre, Ali).  
 
Bien que ne sachant ni lire ni écrire, il assure sa fortune en épousant à 25 ans une riche veuve de quinze ans plus âgée que lui. Khadidja - c'est son nom - sera sa première disciple. En 26 ans de vie commune, elle lui donnera quatre filles. 
 
Devenu un notable, Mahomet organise des caravanes vers la Syrie et peut-être s'y rend-il lui-même. Il a de multiples occasions de dialoguer avec les juifs et les chrétiens de passage ou installés à La Mecque, ce qui lui donne une assez bonne connaissance de la Bible. 
 
Vers l'âge de 40 ans, en 610, le futur Prophète prend l'habitude de se retirer dans une grotte du désert, sur le mont Hira, à cinq kilomètres de La Mecque.  
 
C'est là que, selon ses dires, l'ange Jebrail (Gabriel en arabe) lui souffle à l'oreille : «Récite» !  
 
 
à son retour à La Mecque, Mahomet commence d'annoncer la parole de Dieu et se présente comme son envoyé. Outre sa femme, les premiers convertis sont son cousin Ali (qui sera le quatrième calife), son serviteur Zeïd, un esclave qu'il a affranchi, et son parent Abou Bekr (qui sera le premier calife).  
 
Mais les commerçants de La Mecque ne tardent pas à persécuter le petit groupe de disciples. Ils craignent pour leurs revenus, liés aux pèlerinages qui guident des Arabes de toute la péninsule vers la pierre noire du sanctuaire de la Kaaba. 
 
Ils pourchassent Mahomet, le traitent de fou et battent ses disciples. Quelques-uns se rétractent pour échapper aux violences. 
 
Heureusement, Mahomet bénéficie de la protection indéfectible de son oncle, Abou Talib. Mais quelques dizaines de ses disciples parmi les plus pauvres, lassés des persécutions et des brimades, décident en 615 de s'exiler en Abyssinie, de l'autre côté de la mer Rouge, auprès du Négus, nom que l'on donne au roi de ce pays chrétien (l'Éthiopie actuelle). 
 
Le prophète, quant à lui, dans son désir de se rallier les Mecquois (ou Mekkois) rétifs à sa prédication, lance de l'esplanade de la Kaaba la sourate dite de l'Étoile. Ses deux derniers versets suggèrent un accommodement avec les idolâtres :  
«Ce sont les déesses sublimes  
Leur intercession est admise.»  
 
Les relations s'apaisent aussitôt entre les clans rivaux et les exilés d'Abyssinie prennent le chemin du retour. 
 
Cependant, chez les disciples de la première heure qui sont restés à La Mecque, c'est la consternation. Ils se demandent à quoi ont rimé leurs souffrances s'ils doivent en définitive revenir à un polythéisme (*) déguisé. 
 
Par chance (et sans doute aussi grâce à l'intervention appuyée de ces disciples), l'ange Gabriel restaure la vraie doctrine en soufflant à Mahomet une sourate dite de Youssouf par laquelle il est dit que les deux versets incriminés ont été inspirés par Satan.  
 
L'affaire est close... Elle refera surface quatorze siècles plus tard avec la publication à Londres d'un épais roman intitulé Les Versets sataniques. Son auteur, Salman Rushdie, sera vilipendé et condamné à mort par l'imam Khomeiny, leader des Iraniens. 
 
Mahomet bénéficie opportunément de la conversion de l'un des hommes les plus puissants de La Mecque, Omar ibn al-Khattab. Celui-ci apporte au prophète son précieux soutien après l'avoir violemment combattu (il sera le deuxième calife). 
 
Mais en 619, l'horizon s'obscurcit avec la mort de l'épouse dévouée, Khadidja, ainsi que du puissant Abou Talib. Se sentant menacé, Mahomet part pour l'oasis de Taïf, à une centaine de kilomètres, mais il en est chassé par les habitants, peu soucieux de se fâcher avec les commerçants mecquois.  
 
De retour à La Mecque, il en profite pour se remarier et met fin à sa monogamie antérieure. Il épouse d'une part une veuve du nom de Saïda, d'autre part la très jeune fille de son disciple Abou Bekr. Elle a nom Aïsha... et guère plus de six ans. 
 
Dans l'une de ses nouvelles visions, Mahomet se voit transporté pendant son sommeil à Jérusalem, puis de là, un cheval ailé, Borak, le hisse jusqu'au ciel avant de le ramener dans son lit.  
 
Le récit de ce vol a fait que Jérusalem est devenu la troisième ville sainte de l'islam, après La Mecque et Médine. L'emplacement d'où se serait envolé le prophète est aujourd'hui révéré. Une mosquée somptueuse, le «Dôme du Rocher», le recouvre. 
 
Malgré tout, Mahomet ne se satisfait pas de rester à La Mecque, où il ne peut guère accroître le nombre de ses disciples et doit endurer une opposition persistante de la part des commerçants koraishites. C'est alors que survient un événement décisif... 
 
 
 
Épisode 02
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
L'Hégire et la fuite de Mahomet à Médine 
 
 
juillet 622 se produit un événement minime quelque part dans la péninsule arabe (*).  
 
De cet événement, le départ d'une poignée de fugitifs de l'oasis de La Mecque vers l'oasis voisine, va surgir une religion à vocation universelle, l'islam. 
 
L'exil à Yathrib 
 
Né 52 ans plus tôt dans une famille de marchands arabes de La Mecque, Mahomet a reçu selon ses dires des messages du Dieu unique (Allah en arabe), par l'intermédiaire de l'archange Gabriel.  
 
Il s'est entouré de disciples mais ceux-ci ont fait l'objet de violences et de pressions de la part des marchands de La Mecque. Ces derniers craignent en effet pour les revenus tirés des pèlerinages des idolâtres de toute la péninsule au sanctuaire de La Mecque, la Kaaba (*).  
 
Après avoir envisagé de quitter La Mecque pour l'oasis de Taïf, à une centaine de kilomètres au sud, Mahomet est approché par des disciples originaires de Yathrib, une autre ville-oasis située à 400 kilomètres au nord de La Mecque.  
 
Le 23 juin 622, à Aqaba, sur les bords de la mer Rouge, les représentants de Yathrib signent avec le Prophète un pacte d'alliance et acceptent d'accueillir ses disciples mecquois, au total 70 personnes. 
 
Peu après, le Prophète lui-même se résout à faire le voyage vers Médine avec une poignée de fidèles.  
 
Leur départ de La Mecque se déroule sous le sceau du secret. Il a lieu le 16 juillet 622. Il est désigné en arabe par le mot hijra (en français, Hégire) qui signifie émigration. 
 
Suite à l'installation en son sein du Prophète, Yathrib prend le nom de Medinat el-Nabi («la ville du Prophète») - Médine en français - 
 
Mahomet aménage sans attendre en son centre un lieu de prière ou mosquée (en arabe masjid). Il prend soin de rapprocher ses disciples mecquois et médinites dans une même fraternité et leur enseigne les rites de la prière commune. 
 
Depuis une décision du calife Omar, l'année de l'Hégire marque le début officiel de l'islam, la nouvelle religion dont le Prophète a jeté les bases. 
 
Le Prophète en armes 
 
L'arrivée à Médine de Mahomet et de ses fidèles (environ 200 familles) ne tarde pas à épuiser les ressources de la petite oasis... cependant que, non loin de là, passent les caravanes des riches commerçants mecquois. 
 
En janvier 624, en un lieu appelé Nakhlah, douze disciples de Mahomet attaquent une caravane de La Mecque. Ils tuent un homme d'une flèche et font deux prisonniers. Ils ramènent aussi un butin consistant dont ils remettent un cinquième au Prophète. 
 
L'affaire fait grand bruit car elle s'est produite pendant le mois de rajab. Il s'agit d'une période sacrée qui exclut le meurtre, selon le paganisme arabe.  
 
Mahomet désapprouve dans un premier temps ses disciples. Ceux-ci sont consternés... mais une révélation divine vient à point les réconforter (sourate 2, verset 217).  
 
Cette sourate précise qu'il est certes répréhensible de combattre pendant les périodes sacrées mais qu'il l'est encore plus de se tenir en-dehors du chemin d'Allah, comme les polythéistes (*) de La Mecque. 
 
En d'autres termes, la guerre sainte en vue d'étendre le domaine de l'islam peut excuser le meurtre dans les périodes sacrées. Cette forme de guerre est l'aspect le plus brutal du jihad. 
 
Le jihad recouvre un ensemble de prescriptions qui vont de l'approfondissement spirituel à la guerre sainte contre les infidèles en vue de propager l'islam dans le dar al-harb, ou domaine de la guerre. 
 
Le dar al-harb désigne le monde non musulman où il est licite de mener la guerre sainte, par opposition au dar al-islam, ou domaine de l'islam. 
 
Le Prophète autoritaire 
 
A Médine même, Mahomet impose sans ménagement son autorité. 
 
Selon les récits de la tradition, Asma, une poétesse ayant attaqué le Prophète dans ses vers, Omeir, un musulman aveugle, la poignarde dans son sommeil et dès le lendemain, obtient un non-lieu de Mahomet. 
 
Le même sort attend Afak, un juif centenaire. Kab ibn al-Ashraf, un troisième poète, met en rage les musulmans en adressant des vers d'amour à leurs femmes. Mahomet réclame des sanctions et le soir-même, la tête de l'impudent roule à ses pieds. 
 
La présence de plus en plus envahissante des musulmans irrite les tribus juives de Médine. C'est le début d'un conflit violent entre les deux communautés. 
 
 
 
Épisode suivant 03
 
 
 
 
11 février 624  
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Ce jour-là... 
 
 
 
 
Mahomet rompt avec les juifs de Médine 
 
 
 
Le 11 février 624 marque le début de la rupture entre le prophète Mahomet et les tribus juives de Médine. Cette rupture va déboucher sur un combat à mort (*).  
 
Mahomet et les juifs 
 
Sensible à la théologie juive, le Prophète s'en inspire au commencement dans ses recommandations sur le jeûne et les interdits alimentaires relatifs au porc.  
 
Il adopte le calendrier lunaire des juifs, avec des mois de 28 jours réglés sur les cycles de la Lune. Il fixe le jeûne pendant la fête juive de l'Expiation. Et il prescrit à ses fidèles de se tourner vers Jérusalem pour la prière. 
 
Il n'empêche que les trois communautés juives de Médine persistent dans leur refus de se convertir à la nouvelle foi. Les juifs reprochent en particulier à Mahomet de détourner le sens des textes bibliques et osent même se moquer de lui (*). 
 
Le 11 février 624, une révélation divine enjoint à Mahomet et à ses disciples que la prière rituelle se fera désormais en se tournant non plus vers Jérusalem mais vers la pierre noire de la Kaaba (*), le sanctuaire des idolâtres de La Mecque. 
 
Au printemps 624, à l'approche d'une caravane particulièrement riche en provenance de Syrie, Mahomet décide de l'attaquer. Mais ses plans sont déjoués par un espion. 
 
Les Mecquois du clan des riches Koraishites dépêchent une armée au secours de leur caravane. C'est la bataille du puits de Badr, qui voit la victoire des musulmans malgré leur infériorité numérique.  
 
À son retour triomphal de la bataille de Badr, Mahomet ordonne l'exécution de deux prisonniers mecquois qui s'étaient montrés particulièrement virulents à l'égard du Prophète et de ses disciples. 
 
Mahomet remarque aussi que les juifs de Médine se sont tenus à l'écart de la bataille. Son dépit à leur égard n'en devient que plus grand. 
 
C'est ainsi que de nouvelles révélations divines l'amènent à remodeler le calendrier. Elles précisent en particulier que le jeûne musulman se pratiquera pendant le mois de ramadan, celui durant lequel se déroula la bataille de Badr. 
 
Les interdits alimentaires exprimés dans les révélations faites au Prophète restent quand à eux assez semblables à ceux des juifs. 
 
Le fossé se creuse entre les juifs de Médine et la communauté des croyants. Trahisons, violences et médisances alimentent la zizanie, malgré le code de bonne conduite établi lors de l'arrivée de Mahomet. 
 
Peu après la bataille de Badr, un incident met le feu aux poudres. Une musulmane est molestée au marché par des juifs de la tribu des Banu-Kainuka.  
 
Echauffourée, meurtres de part et d'autre. La tribu mise en cause est assiégée par le Prophète et ses disciples et bientôt contrainte de leur livrer ses immenses biens et d'émigrer.  
 
La deuxième tribu juive, celle des Banu-Nadhir, est un peu plus tard accusée de pactiser avec les habitants de La Mecque et chassée de Médine après une violente bataille.  
 
Tandis que les musulmans poursuivent la guerre contre les Koraishites de La Mecque, Mahomet s'irrite de plus en plus du manque de soutien des juifs de Médine à son égard. 
 
La crise arrive à son terme en 627, après la «bataille du fossé» qui met une dernière fois aux prises Mecquois et musulmans de Médine.  
 
Sorti vainqueur du siège, Mahomet décide d'en finir avec les juifs de la troisième et dernière tribu de Médine, les Banu-Kuraiza, qu'il accuse non sans motif d'avoir soutenu les assaillants.  
 
Sur son ordre, les musulmans décapitent 600 à 700 hommes et les ensevelissent dans une grande fosse de la place du marché de Médine. Ils se partagent les biens de la tribu, ainsi que les femmes et les enfants. 
 
Épisode suivant 04
 
 
 
21 mars 625  
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Ce jour-là... 
 
 
 
Mahomet livre bataille aux Mecquois 
 
Le 21 mars 625, dans le désert arabe, le prophète Mahomet et sa petite armée de fidèles sont attaqués par plusieurs milliers d'hommes (de 3.000 à 10.000) venus de La Mecque (*). 
 
La bataille se déroule autour du mont Ohod, à cinq kilomètres au nord de l'oasis de Médine où s'abrite la première communauté musulmane.  
 
Les Mecquois sont commandés par Abu Sufyan (Abou Soufyân ibn Harb). Celui-ci dirigeait la caravane qui avait été attaquée quelques mois plus tôt par les musulmans au puits de Badr et il avait juré aux Koraishites de La Mecque de venger cet affront.  
 
Au mont Ohod, sa cavalerie met à mal les musulmans et le Prophète est lui-même blessé dans les combats.  
 
Croyant Mahomet mort, Abu Sufyan se retire sans tenter de prendre d'assaut l'oasis de Médine. Il rentre triomphalement à La Mecque. 
 
Mahomet, de son côté, profite du répit pour affermir son autorité sur Médine. Selon l'islamologue Maxime Rodinson, le jour de la bataille du mont Ohod marque la naissance du premier État musulman du monde. 
 
Victoire sur les Mecquois 
 
En mai 627 survient la «bataille du fossé». Une armée de Mecquois d'environ 10.000 hommes et 600 chevaux, toujours commandée par Abu Sufyan, marche sur Médine. 
 
Un esclave persan conseille à Mahomet de ceinturer l'oasis d'un fossé défensif. Inaccoutumé en Arabie, ce stratagème oblige les ennemis à renoncer après vingt jours de siège infructueux. C'est une nouvelle victoire pour les musulmans.  
 
Les Koraishites de La Mecque comprennent qu'il ne leur reste plus qu'à se soumettre. C'est chose faite par le traité d'Hodaïbiya, en 629. 
 
Le triomphe de Mahomet 
 
Le 11 janvier 630, Mahomet entre à la Mecque à la tête d'une armée de 10.000 hommes et sans effusion de sang.  
 
Il se rend à la Kaaba (*), le sanctuaire de tous les Arabes, frappe les idoles aux yeux (!) et ordonne de les détruire avant de s'en retourner à Médine. 
 
Et le 10 mars 632, peu avant de mourir, le Prophète accomplit un pèlerinage de trois jours à la Kaaba, débarrassée de ses idoles.  
 
Il recommande à l'ensemble de ses fidèles d'accomplir au moins une fois dans leur vie semblable pélerinage. 
 
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8 juin 632 
 
 
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Ce jour-là... 
 
 
 
Mort du prophète Mahomet 
 
Mahomet s'éteint paisiblement à Médine le 8 juin 632 (le 13 du mois de Rabi' premier, selon le calendrier arabe). Il a 62 ans (*). 
 
à l'instant de mourir, le Prophète a tout lieu d'être satisfait car il a achevé par les armes l'unification de la péninsule arabe. 
 
Mais bien qu'il ait eu neuf femmes légitimes, il ne laisse aucun fils survivant susceptible de lui succéder à la tête des croyants.  
 
C'est Abou Bekr (ou Abou-Bakr) qui remplace le messager d'Allah au terme d'une brève lutte de succession. Il prend le nom de khalîfa (ou calife), d'un mot arabe qui veut dire remplaçant. 
 
Le premier calife a 59 ans. Il figure parmi les plus anciens compagnons de Mahomet. Il est aussi le père de Aïcha (ou Aïsha).  
 
Aïcha  
 
Aïcha (ou Aïsha) est la femme préférée du prophète. D'après son propre témoignage, Mahomet l'épousa quelques mois avant l'Hégire, alors qu'il avait passé la cinquantaine et qu'elle-même avait 6 ans.  
 
Le prophète attendit toutefois qu'elle ait... 9 ans pour user de ses droits d'époux (en foi de quoi les disciples de l'ayatollah Khomeiny ont abaissé à 9 ans l'âge légal du mariage dans l'Iran moderne !).  
 
Le mariage d'Aïcha est relaté dans l'un des textes officiels de la tradition islamique, le hâdith 67 39.  
 
 
 
Abou Bekr n'appartient à aucune des grandes familles de La Mecque, ce qui lui vaut d'être accepté par toutes.  
 
Seul Ali, le gendre du prophète, déplore l'élection d'Abou Bekr. Ses ressentiments causeront plus tard la scission entre les musulmans orthodoxes de confession sunnite et ceux de confession chiite.  
 
Avec l'aide de l'énergique Khalid ibn al-Walid, Abou Bekr maintient l'unité de la communauté musulmane, menacée par les rivalités de clans et quelques faux prophètes. 
 
Premières incursions hors d'Arabie 
 
Dès 633, un an après la mort de Mahomet, ses disciples ont déjà conquis et soumis la totalité de la péninsule arabe. 
 
Sous le règne du premier calife, quelques troupes de bédouins pillards entament des incursions hors de la péninsule arabe, en direction des empires perse et byzantin. 
 
Elles bénéficient de l'instabilité politique de l'empire perse. Après la mort du roi Chosroès II en 628, pas moins de huit souverains se succèdent en l'espace de trois ans. 
 
La conquête arabe prend tournure lorsqu'une troupe de cavaliers sous le commandement de Khalid ibn al-Walid pénètre en territoire perse et s'empare en 633 de la ville de Hira (Irak actuel). 
 
Khalid envoie une énorme quantité de butin au calife, inspirant à ce dernier une exclamation célèbre à défaut d'être attestée : «La matrice est sûrement épuisée. Une femme ne portera plus un Khalid» [en d'autres termes : je n'imagine pas qu'un autre homme puisse renouveler pareil exploit].  
 
Pour la première fois, les musulmans, jusque-là astreints à une relative austérité, entrevoient le profit à gagner des conquêtes lointaines.  
 
Le vieil Abou Bekr meurt cependant trop tôt pour en cueillir les fruits. Avant de rendre l'âme en 634, après deux ans de califat, il désigne Omar pour lui succéder. 
 
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20 août 636 
 
 
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Ce jour-là...  
 
 
 
Les Arabes vainqueurs des Byzantins auYarmouk 
 
Quatre ans après la mort du prophète Mahomet, les cavaliers arabes triomphent d'une nombreuse armée byzantine sur les rives du Yarmouk, un affluent du Jourdain, à une centaine de kilomètres au sud de Damas. 
 
C'est la première d'une longue suite de victoires qui vont livrer aux musulmans tout le bassin méridional et oriental de la Méditerranée. 
 
Un homme de caractère  
 
Les Arabes musulmans ont porté à leur tête deux ans plus tôt le calife Omar, en remplacement du vieil Abou Bekr.  
 
Issu d'une famille obscure de La Mecque, Omar ibn al-Khattab s'est rallié tardivement à Mahomet après l'avoir violemment combattu. 
 
À la mort du prophète, en 632, son intervention a permis de maintenir l'unité des musulmans autour du premier remplaçant (ou «calife»), le vieux Abou Bekr. 
 
Avant de mourir deux ans plus tard, Abou Bekr l'a naturellement désigné pour lui succéder. 
 
Énergique quadragénaire, Omar s'octroie le titre de «Commandeur des Croyants» (Amir al Mou'mimin), établit les règles de la théocratie musulmane et fait débuter le décompte des années à l'Hégire. 
 
Triomphe inattendu 
 
Le calife est un jour prévenu qu'une partie de ses troupes est menacée par une armée grecque au sud de Damas, en Syrie.  
 
Il en avertit son général Khalid qui vient de mener des incursions victorieuses sur le territoire de l'empire perse. 
 
Le général se porte au secours de ses coreligionnaires. Après cinq jours de marche, il rassemble l'ensemble des combattants musulmans et décide de faire face à l'ennemi.  
 
L'affrontement décisif a lieu sur le fleuve Yarmouk avec une armée byzantine supérieure en nombre mais peu motivée...  
 
L'armée rassemblée par l'empereur Héraclius et confiée au commandement du général Théodore est surtout composée d'Arméniens et... d'Arabes.  
 
Elle est pénalisée par les dissensions théologiques au sein de l'empire romain d'Orient entre le patriarcat de Constantinople et les chrétiens monophysites du Proche-Orient.  
 
Les chrétiens orientaux ont déjà pris le parti des Perses contre les Byzantins. Cette fois encore, ils se montrent peu soucieux de refouler l'envahisseur et se gardent de prêter leur concours à l'armée de Théodore. 
 
Celle-ci est donc battue sans que cela affecte d'ailleurs beaucoup les dirigeants de Constantinople, qui s'inquiètent bien davantage du péril perse ou encore bulgare.  
 
Fort de cette victoire inespérée, Khalid occupe l'année suivante, en 636, Damas, capitale de la Syrie. Seules une quinzaine d'églises sont laissées aux chrétiens.  
 
Le conquérant (en arabe, fatih : celui qui ouvre une contrée à l'islam) occupe par ailleurs Antioche, métropole prestigieuse de l'Orient hellénistique (*). C'est ainsi que la riche Syrie tombe sous la domination arabe.  
 
Comme le calife Omar craint la popularité de Khalid, il lui enlève son commandement et le transmet à Abou Obayda. C'est à ce dernier que revient la gloire de conquérir Jérusalem en 638.  
 
Les chrétiens sont tolérés dans la ville sainte moyennant tribut cependant que les juifs en sont chassés. 
 
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4 novembre 644 
avant après 
 
Ce jour-là...  
 
 
 
Le calife Omar est assassiné 
 
Le 4 novembre 644, le calife Omar est assassiné dans la mosquée de Médine par un esclave persan de confession chrétienne (certaines sources datent cet événement du 3 novembre 644). 
 
En dix ans de règne, le deuxième calife de l'islam a propulsé l'islam à la conquête de l'Orient méditerranéen et jeté les bases d'un nouvel empire. 
 
Cap sur l'Ouest 
 
Après la conquête inattendue de la Syrie byzantine et de Jérusalem, en 638, le calife Omar est allé sans tarder prier sur l'esplanade du Temple, à l'endroit d'où le prophète Mahomet se serait envolé au ciel.  
 
Il ordonne la construction d'une mosquée, le «Dôme du Rocher», sur l'esplanade du Temple juif.  
 
Le calife envisage dans la foulée de faire marcher ses troupes sur Constantinople (*).  
 
Mais l'un de ses généraux, Amr ibn al-As, emporte avec 4000 hommes seulement l'une des principales forteresses égyptiennes, El Arish. 
 
Omar reporte alors ses ambitions vers l'Égypte. Le grenier à blé de la Méditerranée est gouverné pour le compte de l'empereur byzantin par le patriarche d'Alexandrie, Cyrus.  
 
Suite à la mort de l'empereur Héraclius, le 10 février 641, à Constantinople, Cyrus doit faire face à l'envahisseur sans pouvoir attendre de secours des Byzantins. 
 
Après un siège de plusieurs mois, le patriarche négocie la reddition de sa ville et un tribut en échange du droit pour les chrétiens égyptiens de continuer à pratiquer leur religion et de gérer les affaires de leur communauté.  
 
C'est ainsi que les Arabes entrent à Alexandrie le 17 septembre 642.  
 
Peu après, sur le cours du Nil, Amr fonde la forteresse de Fostat (ou El Fustat). Autour d'elle se développera la nouvelle capitale du pays, Le Caire.  
Une perte inestimable  
 
La tradition rapporte que lorsque les Arabes pénétrèrent à Alexandrie, en Égypte, ils auraient sciemment incendié la bibliothèque de la ville, riche de très nombreux ouvrages hérités de l'Antiquité hellénistique. 
 
La bibliothèque avait déjà eu à souffrir de plusieurs incendies, notamment lors d'une bataille entre Jules César et les partisans du pharaon Ptolémée XIII.  
 
Le calife Omar aurait dit en substance à propos des livres de la bibliothèque : «S'ils disent la même chose que le Coran, ils sont inutiles ; s'ils le contredisent, ils sont nuisibles ; dans les deux cas, il faut les détruire». C'est ainsi que les précieux manuscrits auraient alimenté les chaudières des bains de la ville.  
 
 
 
 
Conquêtes tous azimuts 
 
La Perse sassanide, de religion mazdéenne (*), est écrasée la même année, en 642, à Néhavend. Les Arabes dominent dès lors la Mésopotamie, rebaptisée Irak, et la plus grande partie de la Perse (*).  
 
Dans leurs nouvelles conquêtes, les Arabes se gardent de convertir de force leurs nouveaux sujets. Ils préfèrent les maintenir dans le statut de «protégés» (dhimmi en arabe) car celui-ci se caractérise par un impôt spécifique très rémunérateur ! 
Le monde musulman vers 750 après JC  
 
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Cette carte témoigne de l'expansion très rapide de l'islam après la mort de Mahomet, aux dépens de l'empire byzantin et de l'empire perse, puis de l'Espagne wisigothe.  
 
 
 
 
Une succession ardue 
 
La mort brutale du calife Omar, à 55 ans, compromet les rapides succès des musulmans. 
 
En l'absence de successeur désigné, les antagonismes familiaux se réveillent et déchirent la communauté. 
 
C'est finalement un gendre du Prophète du nom d'Othman qui succède au calife assassiné. 
 
Le nouvel élu appartient à une riche famille de la ville sainte de La Mecque, les Omeyyades, et figure parmi les premiers disciples de Mahomet. 
 
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17 juin 656 
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Ce jour-là... 
 
 
 
Le calife Othman est assassiné 
 
Le calife Othman est assassiné à Médine par une foule de musulmans en colère le 17 juin 656 (18 Thilhajh de l'an 35 de l'Hégire).  
 
La mort de ce vieillard de plus de 80 ans est à l'origine de la plus grave crise de l'islam. 
 
Une élection contestée 
 
À la mort du prophète Mahomet, un quart de siècle plus tôt, son beau-père Abou Bekr avait été reconnu sans difficulté comme son remplaçant (ou calife). 
 
Le successeur de ce dernier, Omar, est tué en 644 par un esclave persan de confession chrétienne.  
 
Othman, qui a figuré parmi les premiers disciples du prophète et a épousé deux de ses filles, succède à Omar non sans d'âpres disputes. Il devient ainsi le troisième calife. 
 
Bénéficiant de la foudroyante expansion des cavaliers musulmans au Moyen Orient et en Afrique du nord, Othman reçoit de considérables tributs qu'il met en bonne partie au service de sa famille.  
 
Le calife achève par ailleurs la recension de la Révélation divine, le Coran. 
 
Plein de bonne volonté mais dépourvu d'énergie, Othman doit faire face à une opposition grandissante, conduite par son rival, Ali, époux de la fille aînée du prophète, Fatima.  
 
Les musulmans se divisent 
 
Après l'assassinat d'Othman, Ali prend enfin sa revanche. Il devient le quatrième calife. 
 
Mais son élection, très controversée, marque le début d'une bataille ouverte au sein de l'islam.  
 
C'est au point que le nouveau calife doit s'enfuir de Médine et de La Mecque. Les deux villes saintes ne joueront désormais plus aucun rôle politique dans le monde musulman.  
 
Tandis que les partisans d'Ali (en arabe, chiites) entrent en dissidence, les Omeyyades de la famille d'Othman font de Damas, en Syrie, le siège d'un nouveau califat appelé à un glorieux mais éphémère essor. 
 
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10 octobre 680 
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Ce jour-là... 
 
 
 
Les musulmans se déchirent à Kerbela 
 
Le 10 octobre 680, moins de cinquante ans après la mort du prophète Mahomet, une bataille met aux prises ses disciples à Kerbela (ou Kerbala), en Mésopotamie. Il va en résulter une scission irrévocable de l'islam entre sunnites et chiites. 
 
Un calife exigeant 
 
Après l'assassinat en 656 du troisième calife (ou remplaçant du prophète), son rival Ali, époux de Fatima, l'une des filles de Mahomet, avait été aussitôt élu à sa place comme calife. 
 
Le nouveau calife et ses partisans (chiites ou chi'ites en arabe) prônent une grande rigueur dans la mise en pratique de l'islam et l'assimilation des populations conquises. Ils recommandent aussi que le califat revienne aux descendants en ligne directe du prophète.  
 
Ils s'opposent sur ces points aux orthodoxes ou sunnites, adeptes d'une application souple de la doctrine musulmane (la sunna). 
 
Dissensions religieuses 
 
L'élection d'Ali marque le début d'une bataille ouverte au sein de l'islam. Le nouveau calife doit s'enfuir de Médine et de La Mecque. 
 
Il se réfugie à Koufa, en Mésopotamie, et affronte avec succès ses adversaires en octobre 656 au cours de la bataille dite «du chameau».  
 
Mais le gouverneur musulman de Damas, Moawiya, un parent du précédent calife, prend à son tour les armes contre Ali. Les rivaux se rencontrent à Siffin, sur les bords de l'Euphrate, et s'apprêtent à en découdre après de longues et vaines négociations le 26 juillet 657.  
 
C'est alors que les soldats de Moawiya dressent des feuillets du Coran, le livre sacré, à la pointe de leurs lances. Impossible dans ces conditions aux soldats d'Ali de les attaquer !  
 
Ali, par défaut d'intelligence politique, accepte l'arbitrage proposé par Moawiya. C'est ce qui va causer sa perte.  
 
Une partie de ses partisans l'abandonnent, considérant que l'arbitrage humain fait outrage à la justice divine. Ils forment la secte des kharidjites (du verbe arabe kharadja, sortir).  
 
Certains d'entre eux assassinent Ali le 24 janvier 661 devant la mosquée de Koufa, en Mésopotamie. Avec le gendre du Prophète disparaît le dernier des quatre califes dits orthodoxes, après Abou Bekr, Omar et Othman. 
 
La secte kharidjite va s'épanouir chez les Berbères d'Afrique du Nord, autour de Tahert (Algérie actuelle). Elle est aujourd'hui très marginale. 
 
Divisions dans l'empire 
 
Moawiya, enfin calife, établit la capitale de l'empire arabe à Damas et fonde la dynastie héréditaire des Omeyyades.  
 
C'en est fini du principe électif qui avait présidé à la nomination des nouveaux califes. 
 
Moawiya obtient du fils aîné de son défunt rival, Al-Hassan, qu'il renonce à ses droits.  
 
Mais le cadet, Al-Hussein, persiste quant à lui à rejeter l'autorité de Moawiya. Après la mort de ce dernier et l'avènement de son fils Yazid, il se rend avec une petite troupe de fidèles de La Mecque à Koufa, où l'attend la communauté chiite. 
 
Sur la route, à Kerbela, Al-Hussein rencontre l'armée du gouverneur omeyyade, ibn-Ziad. Ce dernier ne fait pas de quartier. Il attaque la troupe d'Al-Hussein, quoique celui-ci soit par sa mère Fatima le petit-fils du prophète. 
 
Al-Hussein est tué. Sa mort consomme la rupture entre sunnites et chiites (*). 
 
Les premiers restent largement dominants dans le monde musulman. Mais les seconds deviennent majoritaires en Mésopotamie et en Perse (aujourd'hui l'Irak et l'Iran). Ils ne vont pas tarder à prendre leur revanche. 
 
 
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30 octobre 749  
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Ce jour-là...  
 
 
 
Saffah devient calife à la place du calife 
 
Le 30 octobre 749, dans la mosquée de Koufa, en Irak, un chef musulman est proclamé calife par ses lieutenants... cependant que règne encore à Damas le calife légitime, Marwan II. 
 
Abdullah Abou-el-Abbas (30 ans) descend d'Abbas, un oncle du prophète Mahomet, d'où le nom d'Abbassides donné à ses partisans. 
 
Grandeur omeyyade 
 
Après la scission violente des musulmans entre sunnites et chiites, les premiers, victorieux, ont installé à Damas un califat héréditaire sous l'égide de la famille d'Omeyya, un ancien compagnon du prophète.  
 
Le califat omeyyade va prospérer pendant plusieurs générations.  
 
À la différence des quatre premiers califes, peu sensibles au luxe des grandes villes hellénistiques, les Omeyyades profitent pleinement des richesses qui affluent de toutes les provinces conquises par les cavaliers musulmans : tributs des vaincus et lourdes taxes payées par les chrétiens ou «protégés» (dhimmi en arabe). 
 
Soucieux de préserver leurs revenus, les califes découragent d'ailleurs les conversions à l'islam ! Ils se montrent particulièrement ouverts à l'égard de leurs sujets chrétiens et juifs qui leur apportent en plus leur savoir-faire et leur culture hérités de la Grèce.  
 
Revanche des chiites 
 
En juin 747, sous le règne du calife Marwan II, une révolte éclate dans le Khorassan perse, à l'instigation d'un meneur iranien du nom d'Abou Mouslim, indigné par le laxisme du califat. 
 
La révolte est récupérée par Abdullah Abou-el-Abbas. Ses troupes, qui arborent la bannière noire de la révolte, défont une première fois à Koufa les troupes du calife, qui arborent, elles, une bannière blanche.  
 
Abdullah Abou-el-Abbas se fait aussitôt proclamer calife à la place du calife.  
 
L'année suivante, le 25 janvier 750, les troupes omeyyades sont une nouvelle fois défaites sur le Grand Zab. Quelques mois plus tard, Abdullah Abou-el-Abbas s'empare de Damas.  
 
Le 25 juin 750, toute la famille du calife omeyyade est massacrée. Un prince, un seul, échappe à la tuerie. Il s'enfuit en Espagne où il fonde l'émirat omeyyade dissident de Cordoue.  
 
Marwan II est tué en Égypte à la tête de ses derniers fidèles le 5 août 750.  
 
Le vainqueur, Abdullah Abou-el-Abbas, gagne dans l'opération le surnom de Saffah (en arabe, le Sanguinaire).  
 
Il déporte la capitale de l'empire arabe en Mésopotamie. Quelques années plus tard, en 762, son frère et successeur, le calife al-Mansour crée une capitale de toutes pièces, au cœur de l'ancienne Mésopotamie et au confluent des civilisations hellénistique (*) et persane, non loin de l'antique Babylone. 
 
La nouvelle capitale de l'empire arabe est baptisée Bagdad (en arabe, ce nom signifie la «cité de la paix»). Elle est édifiée avec les pierres tirées des ruines de l'ancienne Ctésiphon, capitale des Parthes et ennemie de Rome.  
 
 
 
 
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14 septembre 786 
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Haroun al-Rachid, calife des Mille et une Nuits 
 
Le 14 septembre 786, à Bagdad, sur les bords du Tigre, Haroun al-Rachid devient calife, c'est-à-dire «remplaçant» du prophète Mahomet. Son titre lui confère l'autorité sur la totalité des musulmans à l'exception de ceux d'Espagne. 
 
En accédant au pouvoir, Haroun al-Rachid (en arabe, Haroun «le bien guidé») porte à son apogée l'empire arabe et la dynastie des Abbassides. 
 
 
Trois empires autour de la Méditerranée  
 
Vers l'An 800, tandis que règne à Bagdad le calife Haroun al-Rachid, Charlemagne règne à Aix-la-Chapelle, près du Rhin, sur l'Empire d'Occident. À Constantinople, sur le Bosphore, Irène gouverne l'empire byzantin. 
 
Haroun al-Rachid, Charlemagne, Irène... Ces trois personnages magnifiés par la légende symbolisent une période de transition.  
 
Sous les cendres de l'empire romain, un monde nouveau est en train de germer mais les contemporains n'en ont guère conscience.  
 
Autour de la Méditerranée, la paysannerie vit dans une extrême misère. La paix est sans cesse violée et, qui plus est, de nouvelles vagues d'envahisseurs se profilent au nord et à l'est (Vikings, Magyars). 
 
 
 
 
Essor de l'empire arabe 
 
Sous le règne d'Haroun al-Rachid, Bagdad va devenir la cité la plus remarquable de l'univers.  
 
Elle offre l'exemple d'une civilisation raffinée dont les contes des Mille et une Nuits, contemporains d'Haroun al-Rachid, nous conservent le souvenir.  
 
Ses commerçants entretiennent des relations avec le monde entier comme le rappelle le conte de Sindbad le marin. Ses poètes chantent le vin et l'amour, comme Abou Nouwas (ou Abû Nuwas). Ses théologiens et ses savants élaborent une culture de premier plan.  
 
Sa population, en trois ou quatre générations, s'élève jusqu'à près de deux millions d'habitants, ce qui en fait la plus grande métropole de son époque.  
 
Dans tout l'empire mais aussi dans l'émirat indépendant de Cordoue, en Espagne, et dans le royaume du Maroc, se développe un artisanat prospère dont le souvenir se conserve dans le vocabulaire : cordonnier vient de Cordoue, mousseline de Mossoul, étoffes damasquinées de Damas, maroquinerie de Maroc,…  
 
Les Arabes restaurent et améliorent les anciens réseaux d'irrigation autour de la Méditerranée. Du fait de leurs liens avec la Perse, l'Extrême-Orient et l'Asie du Sud, ils introduisent de nouvelles cultures en Occident : riz, haricot, chanvre, canne à sucre, mûrier, abricotier, asperge, artichaut,…  
 
Abou Nouwas, poète heureux  
 
Abou Nouwas (757-809) est l'un poètes les plus aimables de la littérature arabe. à la cour du calife, il chante l'amour de la vie, des femmes, des garçons et du vin ! De quoi s'attirer la vindicte des islamistes de notre époque.  
 
Le vin m'est présenté par un jeune échanson 
de sexe féminin, mais vêtu en garçon 
Une garçonne, enfin, qui mélange les genres 
et qui se laisse aimer d'une double façon 
... 
Mais si l'on mélangeait le vin à la lumière 
le résultat serait lumière sur lumière. 
(cité par Paul Balta, L'islam, 2002, page 79) 
 
 
 
 
Difficile succession  
 
Dans ses relations diplomatiques, le calife Haroun al-Rachid fait preuve d'une remarquable activité. Il impose pendant quelques années un tribut aux Byzantins. Il envoie aussi une ambassade à Charlemagne, lui offrant selon la tradition une somptueuse horloge à eau ou clepsydre... 
 
Mais son règne témoigne aussi de la fragilité de l'autorité califale.  
 
Yahya, qui fut le précepteur du calife dans sa jeunesse et est devenu au fil du temps son principal ministre, installe sa famille, les Barmécides, au premières places de l'État. 
 
L'aventure connaît une fin tragique avec le massacre des Barmécides sur ordre d'Haroun al-Rachid.  
 
Malgré ce coup d'éclat, le pouvoir du calife va peu à peu tomber aux mains des ministres et des conseillers.  
 
Après la mort d'Haroun al-Rachid, en 809, son fils Mohammed el-Amin devient à son tour calife. Mais il est massacré par son frère Abdallah el-Mamoun (al Ma'mun) en 813.  
 
El-Mamoun impose son autorité à Bagdad non sans difficulté. Son règne est marqué par une grande effervescence intellectuelle et artistique.  
 
En 832, le calife fonde dans sa capitale la Maison de la sagesse (Beit-Al-Hikmat). Il fait en sorte d'y réunir tout le savoir du monde. Des livres et des documents divers affluent des régions méditerranéennes mais aussi de Perse et du monde hindou.  
 
C'est de cette façon que les Arabes découvrent la numérotation hindoue, d'où est issue la nôtre.  
 
Le calife El-Mamoun meurt en 833. Après lui, c'en est très vite fini de l'«Âge d'or» de l'islam.  
 
Déclin de l'empire arabe 
 
L'empire abbasside décline sous l'effet de l'incurie administrative, des injustices sociales, des révoltes d'esclaves et des tensions religieuses entre chiites (*) et sunnites.  
 
La prospérité de l'empire repose en effet sur des bases fragiles : 
– l'impôt versé par les non-croyants (chrétiens, juifs,...) dont le nombre tend à diminuer sous l'effet des conversions, 
– l'esclavage.  
 
Dans un premier temps, pour cultiver leurs domaines, les conquérants arabes s'approvisionnent en main-d'œuvre servile auprès de l'Occident. 
 
Tandis que celui-ci est encore plongé dans la barbarie, les commerçants de Venise font fortune en livrant aux musulmans d'Orient des prisonniers de guerre originaires des régions slaves de l'Est de l'Europe, encore païennes.  
 
C'est ainsi que le mot Esclavon, qui était à l'époque synonyme de Slave, se substitue au latin servus (que l'on retrouve dans servile et serf) pour désigner une personne privée de liberté. De ce mot nous avons fait le mot esclave. 
 
Venise conserve le souvenir de son fructueux commerce dans le nom d'un quai célèbre à l'extrémité du Grand Canal : le quai des Esclavons. 
 
à mesure que les Slaves se convertissent au christianisme, ce commerce va se tarir. Les Arabes se tournent alors vers l'Afrique noire, où l'esclavage est une institution solidement établie. 
 
Le trafic d'esclaves noirs vers l'Orient arabe va prospérer pendant plus d'un millénaire. Il va concerner dix à quinze millions d'individus, soit à peu près autant que la traite européenne à travers l'océan Atlantique, du XVIe siècle au XIXe siècle.  
 
Beaucoup de ces esclaves, qui servent comme domestiques dans les harems, sont castrés pour empêcher qu'ils ne fassent souche et parce que le réapprovisionnement est facile et bon marché. Les Mille et une Nuits ne tarissent pas de commentaires brutaux ou salaces sur les relations entre Arabes et Noirs. 
 
De nombreux esclaves noirs, appelés Zendj (d'un mot arabe qui désigne les Africains), travaillent très durement comme manœuvres agricoles dans les zones marécageuses du Chott al-Arab, au sud de l'Irak actuel.  
 
En 869, n'en pouvant plus d'être maltraités, les Zendj s'insurgent. Ils ne sont écrasés qu'en 883 au prix de 500.000 à 2,5 millions de victimes (*) !  
 
Cette révolte ébranle les fondations de l'empire arabe et marque le début de son déclin.  
 
En 1019, le calife al Qadir publie une profession de foi, l'«Épître de Qadir», par laquelle il interdit toute nouvelle interprétation du Coran. C'est un coup d'arrêt brutal au développement de l'esprit critique et aux innovations intellectuelles et scientifiques dans l'empire arabe «dont les conséquences se font sentir jusqu'à nos jours» (*). 
 
Le coup de grâce à l'empire abasside est donné par les envahisseurs mongols au XIIIe siècle. 
 
 
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10 février 1258 
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Les Mongols détruisent Bagdad 
 
Le 10 février 1258, après un siège de deux semaines, Bagdad tombe entre les mains de Houlégou (ou Hulagu Khan), un petit-fils du terrible Gengis Khan à peine âgé de 30 ans.  
 
Les Mongols de Houlégou massacrent méthodiquement la population et mettent au supplice le dernier calife arabe, al-Mustasim. Celui-ci est cousu dans un sac et foulé aux pieds des chevaux !  
 
Le nombre des victimes est d'au moins une centaine de milliers. 
 
500 ans plus tôt, les Arabes avaient fait de Bagdad le siège du califat, autrement dit la capitale de l'islam. 
 
Une civilisation nouvelle était née sur les bords de l'Euphrate, fécondée par les cultures grecque et perse, et les califes de la dynastie des Abbassides, à l'image d'Haroun al-Rachid, contemporain de Charlemagne, avaient fait rêver le monde occidental. 
 
Cette civilisation arabe est détruite sous les coups des Mongols. 
 
 
Survivance du califat  
 
À la suite de l'irruption des Mongols, quelques survivants de la famille des Abbassides se réfugient au Caire, en Égypte, où les sultans de la dynastie des Fatimides leur permettent de perpétuer le califat sous une forme purement honorifique.  
 
Le sultan turc d'Istamboul, Sélim 1er, relèvera à son profit le titre de calife après sa conquête de l'Égypte en 1517. Le califat ottoman disparaîtra en 1924.  
 
 
 
La ruine de Bagdad est achevée par l'irruption de Tamerlan, lointain descendant de Gengis Khan. 
 
Dès lors, la prestigieuse capitale n'est plus que l'ombre d'elle-même et la destruction des réseaux d'irrigation par les Mongols réduit à la misère les populations. Le déclin du pays, que l'on appelle désormais Irak (en anglais Iraq), d'un mot arabe qui désigne le rivage, est inéluctable.  
 
L'ancienne Mésopotamie est longtemps tiraillée entre les Perses, musulmans de confession chiite (*), et les Turcs ottomans, musulmans de confession sunnite.  
 
Elle tombe sous la tutelle de ces derniers au début du XVIe siècle, suite aux campagnes militaires de Soliman II le Magnifique, sultan d'Istamboul. Celui-ci annexe définitivement l'Irak à son empire en 1533. 
 
L'Irak moderne est créé à la fin de la Première Guerre Mondiale par les Britanniques sur les ruines de l'empire ottoman. 
 
Le pays garde de son histoire agitée une grande hétérogénéité religieuse. Plus de la moitié des habitants sont des musulmans chiites, comme les Iraniens voisins. Les autres sont sunnites comme les neuf dixièmes des musulmans du monde. 
 
 
Mosaïque chrétienne  
 
Les chrétiens qui ont résisté à l'islamisation représentent 2e la population. Ils sont près de 450.000 sur un total de 25 millions d'Irakiens au début du XXIe siècle. La majorité de ces chrétiens sont des catholiques de rite chaldéen (la Chaldée était une région de la Mésopotamie sous l'Antiquité). Ils parlent l'araméen, la langue ordinaire du Christ ! 
 
Dans le nord du pays, 80.000 chrétiens descendent de communautés nestoriennes. Aujourd'hui, ils se rangent parmi les chrétiens orthodoxes. Leur langue est... l'assyrien. Une autre partie des chrétiens d'Irak (environ 75.000) relèvent du monophysisme, comme les coptes d'Égypte ou d'Éthiopie. Leur église est dite syrienne ou syriaque.  
 
 
 
 
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11 mars 1917  
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Les Britanniques entrent à Bagdad 
 
Le 11 mars 1917, un corps expéditionnaire britannique entre à Bagdad, capitale de la Mésopotamie (l'Irak actuel), et en chasse les Turcs ottomans. 
 
Sympathies turco-allemandes  
 
L'Irak, riche d'un héritage plurimillénaire, avait été ruiné par l'irruption des Mongols au XIIIe siècle. Villes anéanties, réseau d'irrigation ensablé,... l'ancien «croissant fertile» de la Mésopotamie n'était plus que l'ombre de lui-même.  
 
En 1533, le sultan turc Soliman II le Magnifique annexe le pays à son empire.  
 
À la veille de la Grande Guerre, l'Allemagne de Guillaume II s'impose comme protectrice de la Sublime Porte en proie à une dissolution inquiétante. Celle-ci est mise en relief par la contestation des officiers du mouvement dit des «Jeunes Turcs».  
 
Le chemin de fer Berlin-Istamboul est prolongé par Damas jusqu'en Mésopotamie pour rejoindre Bagdad… Le général allemand von Sanders prend une place éminente à l'état-major ottoman et introduit des réformes radicales qui régénèrent la vieille armée turque.  
 
Le 2 novembre 1914, l'empire russe ne peut se retenir de déclarer la guerre à son vieil ennemi, l'empire ottoman. Celui-ci, simultanément, se rallie fort normalement aux puissances centrales, l'Autriche-Hongrie et l'Allemagne.  
 
La solidification du front occidental et les revers russes en Prusse orientale amènent très vite les amirautés française et britannique à envisager des opérations en Orient.  
 
L'image d'une Turquie en décomposition qu'il suffirait de cueillir s'installe dans les esprits, et l'expression de «ventre mou» fait alors son apparition. 
 
Promenade militaire 
 
Dès le mois d'octobre 1914, un corps expéditionnaire est rassemblé à Bombay, aux Indes, sous le commandement du général Delamain.  
 
Le 5 novembre, l'Angleterre déclare la guerre à l'empire ottoman et un débarquement laborieux commence dès le lendemain à l'embouchure du Chott-al-Arab, un bras de fleuve formé par l'union du Tigre et de l'Euphrate, au fond du Golfe Persique.  
 
Les Britanniques ne veulent que protéger les raffineries d'Abadan, en Perse. Ils les occupent sans difficulté puis pénètrent dans les possessions ottomanes.  
 
Comme on est à l'approche de l'hiver, la température est supportable. Toutefois, le terrain marécageux se révèle extrêmement instable et ralentit les mouvements du train et de l'artillerie.  
 
La flotte d'invasion force le passage par le fleuve et le 22 novembre 1914, le général Barrett entre à Bassorah (ou Basra), à 30 kilomètres à l'intérieur des terres, à la tête de la 6e division d'infanterie indienne sans rencontrer de résistance.  
 
Les succès étant encore peu nombreux, le champagne coule à Whitehall, siège de l'amirauté britannique, où règne Winston Churchill. 
 
La conquête de la Mésopotamie (on ne dit pas encore Irak) se présente sous les meilleurs auspices.  
 
Enhardie par ce succès, une partie des troupes anglo-indiennes franchit le Tigre et encercle les positions turques à Qourna, au confluent du Tigre et de l'Euphrate, à environ 200 kilomètres du Golfe Persique.  
 
Les Turcs se reprennent et acheminent des renforts. Ils lancent une contre-offensive le 11 avril 1915 en bombardant le poste de Qouna.  
 
Le 14 avril, une sortie désespérée de la 6è division indienne commandée par le général Townshend réussit contre toute attente à culbuter les assaillants. On parle du «miracle de Shaiba»…  
 
Sir John Nixon, nouveau général en chef, projette de remonter le cours du Tigre pour s'emparer de Amara, à 150 kilomètres plus au nord avec deux divisions d'infanterie et une brigade de cavalerie, soit 11.000 hommes. 
 
La région est inondée et la progression très difficile. Qu'à cela ne tienne, on met la main sur des barques qui emportent quelques troupes et un peu d'artillerie.  
 
Le général Townshend se met à la tête de la flottille improvisée et poursuit les Turcs jusqu'à Amara qu'il atteint en deux jours (on évoque dans les salons la «régate de Townshend» !).  
 
Jouant de la surprise, Towshend offre une reddition honorable à la garnison turque démoralisée qui se rend le 4 juin. C'est un triomphe ! 
 
Entre temps, le reste des troupes remonte le cours de l'Euphrate. La chaleur est intenable (45 à 50°C), les marécages sont infestés de moustiques porteurs du paludisme. La dysenterie et les insolations font des ravages.  
 
Les lignes de ravitaillement s'allongent dangereusement et seules des canonnières légères arrivent à se frayer un chemin sous le feu turc. Malgré ces difficultés, l'élan des troupes anglo-indiennes est irrésistible et Nasiriyah tombe le 24 juillet. 
 
La prochaine étape est Kout-el-Amara (ou Kût), en amont de Amara sur le Tigre, à 200 kilomètres plus au nord et 600 kilomètres de Bassorah…  
 
Une fois encore, Townshend fait merveille. Les lignes turques sont prises d'assaut de deux côtés à la fois et Kout-el-Amara tombe le 27 septembre 1915. Les Turcs y laissent 5.300 hommes et leur artillerie.  
 
Le général Nixon fait maintenant figure de conquérant. La pression monte pour s'emparer de Bagdad, désormais à portée de main.  
 
C'est que la même année, en février 1915, un corps expéditionnaire anglo-français a débarqué sur la presqu'île de Gallipoli à l'entrée du détroit des Dardanelles, en vue de s'emparer d'Istanbul, mais il s'est heurté à la résistance farouche des Turcs commandés par un jeune inconnu, Moustafa Kémal.  
 
Désireux de laver cette humiliation, Londres encourage le général Nixon à poursuivre sa route vers Bagdad, bien que la prestigieuse cité soit dépourvue d'intérêt stratégique. 
 
Désastre à Kout-al-Amara 
 
30.000 Turcs se sont solidement retranchés dans les ruines de Ctésiphon, une antique cité perse sur la rive gauche du Tigre. 
 
L'assaut donné les 22 et 23 novembre 1915 par les 14.000 hommes de la 6è division de Townshend se heurte à une défense déterminée. L'artillerie et les munitions manquent. Les Anglo-Indiens ne réussissent pas à percer. Ils laissent 4.500 des leurs sur le champ de bataille.  
 
La mort dans l'âme, le général Townshend ordonne un repli. Le pacha Khalil engage aussitôt la poursuite de la colonne britannique dangereusement aventurée le long du Tigre. Les pillards arabes s'en mêlent et les conditions de la retraite deviennent abominables.  
 
Enfin, le 3 décembre 1915, quelques milliers de survivants hagards se réfugient à l'abri des murailles de Kout-el-Amara. Townshend et ses 12.000 hommes ont l'ordre de tenir coûte que coûte.  
 
Ils sont confiants dans l'arrivée d'une armée de secours mais celle-ci est défaite à Sheik Saad le 7 janvier 1916, puis à Wadi une semaine plus tard et finalement à Hanna, au bord du Tigre, le 21 janvier.  
 
L'état-major britannique doit se résigner le 26 avril suivant à inviter le général Townshend à offrir pour prix de sa reddition honorable la somme considérable de 1.000.000 de livres sterling !  
 
Khalil Pacha serait prêt à accepter, mais le «Jeune Turc» Enver Pacha, qui a pris le pouvoir à Istamboul, se refuse à tout arrangement.  
 
Et le 29 avril, après cinq mois de siège, la garnison de Souk-el-Amara capitule sans conditions… La perte de 500 officiers et 13.000 hommes, cipayes indiens pour la plupart, constitue un désastre retentissant pour les Britanniques (en Europe, au même moment, la bataille de Verdun bat son plein) ! 
 
La garnison est déportée au cours de l'été et plus de la moitié des prisonniers vont périr au cours des mois suivants dans des conditions très pénibles. 
 
Revanche tardive  
 
Abasourdi par cet échec, Londres se donne plusieurs mois pour relancer l'offensive à partir de Bassorah. Le général Maude est nommé à la tête du corps expéditionnaire. Conscient de la faiblesse de ses positions, il met fin aux coups de main aventureux.  
 
C'est seulement le 13 décembre 1916, qu'il repart au combat avec pas moins de 50.000 hommes, combinant son avance avec celle des Russes au sud du Caucase.  
 
Après une lente progression, l'armée repousse 12.000 Turcs le 24 février 1917 et se rapproche enfin de Bagdad en suivant la rive orientale du Tigre. Le 5 mars, aux portes de la ville, elle bat une deuxième armée turque.  
 
Une partie des troupes traverse le Tigre pour attaquer la ville par l'ouest. Les Turcs ne se soucient pas de les affronter et évacuent la ville. C'est ainsi que le 11 mars 1917, après plus de deux ans d'efforts, les Britanniques ont la satisfaction de défiler dans l'ancienne capitale de l'empire arabe (*).  
 
Les troupes turques n'en conservent pas moins leur cohésion et c'est seulement après l'armistice (*) signé le 1er novembre 1918 entre les Britanniques et les Ottomans que les Britanniques pourront occuper Mossoul, au nord de la Mésopotamie, une cité construite sur les ruines de l'ancienne Ninive, capitale du roi assyrien Sennachérib (VIIe siècle avant JC).  
 
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L'Irak sous tutelle  
 
La Grande Guerre de 1914-1918 s'achève sur la dissolution de l'empire ottoman. L'Irak est détaché de la tutelle d'Istamboul... pour tomber sous celle de Londres.  
 
Conformément à l'accord secret du 16 novembre 1916 entre le Britannique sir Mark Sykes et le Français Georges Picot (accord dit Sykes-Picot), la France s'attribue la tutelle de la Syrie et la Grande-Bretagne celle de l'Irak. 
 
C'est ainsi que le 25 avril 1920, la Grande-Bretagne se voit confier un mandat de la Société des Nations (ancêtre de l'ONU) pour administrer la Mésopotamie.  
 
Le 10 août 1920, le traité de Sèvres promet protection à la minorité chrétienne assyro-chaldéenne dans le cadre d'un Kurdistan autonome. Cette promesse ne sera suivie d'aucun effet, les diplomates reconnaissant pour finir que la constitution de pays sur le principe des nationalités était illusoire. 
 
Les Arabes, qui se sont soulevés contre les Turcs à l'appel du colonel Lawrence («Lawrence d'Arabie») en vue de créer un royaume arabe uni, sont indignés par la duplicité des Alliés.  
 
Les Britanniques leur accordent un lot de consolation en donnant en 1925 à l'émir Fayçal ibn Hussein, shérif de la Mecque, le titre de roi d'Irak.  
 
Le mandat de la SDN, qui prendra fin avec l'indépendance formelle de l'Irak en 1932, permet à Londres de mettre la main sur les champs pétrolifères du pays.  
 
Ceux-ci prennent une importance stratégique avec le premier jaillissement d'un phénoménal puits de pétrole près de Kirkouk le 15 octobre 1927.  
 
Aussi les Allemands et les Britanniques se disputeront-ils l'Irak pendant la Seconde Guerre mondiale. Une armée britannique reviendra à Bagdad en 1941. 
 
 
16 avril 1917  
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Ce jour-là... 
 
 
 
 
Offensive malheureuse du Chemin des Dames 
 
 
 
Le 16 avril 1917, les Français lancent une grande offensive sur le Chemin des Dames, près de Soissons. 
 
L'échec est consommé en 24 heures malgré l'engagement des premiers chars d'assaut français (une quarantaine). On n'avance que de 500 mètres au lieu des 10 kilomètres prévus, et ce au prix de pertes énormes. 30.000 morts en dix jours.  
 
Le général Robert Nivelle, qui a remplacé le général Joffre à la tête des troupes françaises, est le principal responsable de l'échec de cette offensive, conçue lors de la conférence interalliée de Chantilly, en novembre 1916.  
 
Le général assurait à tout un chacun que ce serait l'occasion de la «rupture» décisive tant attendue grâce à une préparation massive de l'artillerie qui dévasterait les tranchées ennemies en profondeur.  
 
Mais le lieu choisi, non loin de l'endroit où s'était déroulée la bataille de la Somme de l'année précédente, n'était pas le moins du monde propice à la progression des troupes avec ses trous d'obus et ses routes défoncées.  
 
D'autre part, les Allemands, avant l'offensive, avaient abandonné leurs premières tranchées et avaient construit un nouveau réseau enterré à l'arrière, plus court de façon à faire l'économie d'un maximum de troupes. C'est la ligne Hindenburg. 
 
Une offensive parallèle a été menée par les Anglo-Canadiens au nord de la Somme, près d'Arras et de la crête de Vimy. Plus chanceux que leurs alliés, ils ont pu dès le premier jour avancer d'un à cinq kilomètres, les Allemands ayant malencontreusement alléger leur dispositif pour concentrer leurs efforts sur le Chemin des Dames. 
 
Désespoir et mutineries 
 
Après l'échec dramatique du Chemin des Dames, au cours de laquelle sont morts pour rien 29.000 soldats français, la désillusion est immense chez les poilus. Ils ne supportent plus les sacrifices inutiles et les mensonges de l'état-major. Des centaines de mutineries éclatent ça et là. 
 
Le général Nivelle est limogé dès le 29 avril et remplacé par le général Pétain, auréolé par ses succès à Verdun. Le nouveau commandant en chef s'applique en premier lieu à redresser le moral des troupes. Il sévit modérément contre les mutineries, limitant à une cinquantaine le nombre d'exécutions.  
 
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15 octobre 1917 
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Ce jour-là... 
 
 
 
 
Mata Hari est fusillée pour espionnage 
 
 
 
Le 15 octobre 1917, Mata Hari est fusillée pour espionnage dans les fossés de la forteresse de Vincennes. 
 
Une reine de la Belle Époque 
 
Margaretha Geertruida Zelle, née en 1876, est la fille d'un marchand de chapeaux de Leeuwarden (Pays-Bas). La petite fille, appelée familièrement M'greet, est éveillée, fine et élancée. Elle a un teint basané inhabituel aux Pays-Bas qui fait qu'on la prend souvent pour une Eurasienne. 
 
Son père lui est très attaché et la gâte beaucoup avant de rencontrer des revers de fortune. La jeune fille étudie à l'école normale de Leiden mais est renvoyée à la suite d'une liaison avec le directeur (qui, de son côté, perd sa place).  
 
À la suite d'une annonce matrimoniale, elle épouse un capitaine de vaisseau nommé MacLeod de dix-neuf ans son aîné, loup de mer qui se montre bientôt violent et porté sur le rhum. Ils vivent aux Indes néerlandaises et ont deux enfants. Leur jeune fils Norman meurt à la suite d'une intoxication à laquelle leur fille Jeanne dite Non survécut. Le couple rentre au pays en 1903.  
 
Mais Margaretha a découvert aux colonies une vie exaltante, ce qui l'amène à divorcer du capitaine et à gagner Paris 
 
Elle fait ses débuts comme danseuse de charme sous les apparences d'une princesse javanaise dénommée Mara Hari (L'oeil de l'Aurore) au «Musée des études orientales» (sic), plus connu sous le nom de musée Guimet, lequel abrite alors une salle de spectacle privée...  
 
La représentation donnée le soir du 13 mars 1905 par le riche négociant et mécène Émile Guimet pour une brochette de privilégiés consiste en un tableau animé représentant le dieu hindou Shiva aux six bras recevant l'hommage exalté d'une pléiade de princesses. Celles-ci sont emmenées par... Mata Hari habillée d'un collant couleur chair et ruisselante d'or et de jade. 
 
La salle exulte et une spectatrice, l'écrivain Colette, note en experte : «Elle ne dansait guère mais elle savait se dévêtir progressivement et mouvoir un long corps bistre, mince et fier.»  
 
Le spectacle connaît le succès et la troupe se produit bientôt à Madrid, Monte Carlo, Berlin, La Haye, Vienne et même Le Caire.  
 
La jeune et troublante artiste collectionne les protecteurs hauts placés.  
 
Le piège 
 
Après l'entrée en guerre des puissances européennes, en août 1914, Mata Hari, qui parle plusieurs langues et vient d'un pays neutre, se permet de voyager librement à travers l'Europe. A Paris, elle mène grand train au Grand Hôtel où les uniformes chamarrés abondent. 
 
Les jeunes pilotes de chasse jouissent en particulier d'un prestige irrésistible. C'est ainsi que la Belle s'éprend fin 1916 d'un capitaine russe au service de France dénommé Vadim Maslov, fils d'amiral. Il a 21 ans et lui rappelle peut-être son fils mort en bas âge. 
 
Voilà que le beau lieutenant est abattu et soigné dans un hôpital de campagne, du côté de Vittel.  
 
Lorsqu'elle se met en tête de lui rendre visite à l'infirmerie du front, elle doit payer cette faveur de la promesse d'aller espionner le Kronprinz (le prince héritier de l'Empire allemand) qui est de ses connaissances, moyennant une rétribution considérable. Le capitaine Ladoux doit jouer le rôle d'officier-traitant. 
 
La naïve hétaïre se rend en Espagne neutre pour prendre un bateau à destination de la Hollande et gagner l'Empire allemand. 
 
L'Intelligence Service (les services secrets britanniques) met la main sur elle lors d'une escale à Falmouth mais ne peut rien lui reprocher malgré un interrogatoire serré. Poursuivre sa route vers l'Allemagne devenant hasardeux, l'aventurière regagne Madrid où elle ne tarde pas à séduire... l'attaché militaire allemand, le major Kalle.  
 
Celui-ci transmet plusieurs câbles à Berlin traitant de sous-marins à destination du Maroc et de manœuvres en coulisse pour établir le prince héritier Georges sur le trône de Grèce, en signalant que «l'agent H-21 s'était rendu utile». Ces messages sont interceptés par les Alliés. 
 
L'envoûtante «Eurasienne» fait alors la folie de rentrer en France pour rejoindre son bel officier. Arrivée à Paris le 4 janvier 1917, elle est arrêtée le 13 février à l'hôtel Élysée Palace par le capitaine Bouchardon. Elle sort nue de la salle de bains et, s'étant rhabillée, présente aux gardes venus l'arrêter des chocolats dans... un casque allemand (cadeau de son amant Maslov) ! 
 
Le capitaine Bouchardon ne l'en soumet pas moins à des interrogatoires humiliants à la prison Saint-Lazare. On trouve de l'encre sympathique dans son nécessaire de maquillage... Et la danseuse admet avoir été payée par des officiers allemands, tout en affirmant qu'il s'agissait de l'argent du stupre.  
 
Elle est convoquée à huis clos le 24 juillet 1917 devant le 3e conseil militaire, au Palais de justice de Paris. Son défenseur, Maître Clunet - un ancien amant - est un expert réputé du droit international, mais malheureusement peu familier des effets de manche d'une cour criminelle. 
 
A son immense désespoir, Mata Hari entend son cher lieutenant, Vadim Maslov, appelé à la barre, la qualifier d'aventurière. Mais un autre témoin, le diplomate Henri de Marguérie, assure connaître l'accusée de longue date, n'avoir jamais abordé de sujet militaire en sa présence et pouvoir se porter garant de sa parfaite probité....  
 
Las, les mutineries s'étant multipliées sur le front, l'opinion réclame des coupables et veut des exemples... Sensible à l'atmosphère empoisonnée de l'époque, la Cour présidée par le lieutenant-colonel Somprou déclare Mata Hara coupable d'intelligence avec l'ennemi et la condamne à être passée par les armes.  
 
Cette ingénue plus si jeune refuse le bandeau qu'on lui propose et se tient crânement près du poteau d'exécution, lançant un dernier baiser aux soldats du peloton. Personne ne réclame son corps qui est remis au département d'anatomie de la faculté... 
 
Renaissance d'un mythe 
 
Près de cent ans plus tard, les archives du procès n'ont toujours pas été rendues publiques et l'on peut craindre que le dossier à charge ne soit tout à fait creux.  
 
Quoi qu'il en soit, le personnage est entré dans la légende et Greta Garbo, Marlène Dietrich, Jeanne Moreau, Sylvia Kristel... et Maruschka Detmers lui ont depuis prêté leur personnalité à la scène, à l'écran ou à la télévision. 
 
Il faut bien convenir que le mythe de la Belle disposée à trahir sur l'oreiller est aussi vieux que le monde. Selon les récits et les mythes antiques, Ariane libéra Thésée au XIIIe siècle avant JC, Dalila trahit Samson au VIIIe siècle avant JC Tarpeia ouvrit les portes du Capitole aux Sabins au VIe siècle avant JC. 
 
Plus près de nous, le roi de France Louis XIV aurait stipendié une aristocrate bernoise effrontée du nom de Catherine von Wattenwil vers 1660. Micheline Carré, dite «la Chatte», fut condamnée à mort puis grâciée en 1949. Christine Keeler fit tomber le ministre conservateur Profumo en 1963 (elle était au mieux avec l'attaché naval soviétique à Londres).  
 
Et dans les années 1980, la jeune Alexandrea Lincoln, serveuse au bar du Bellevue Palace (Berne) qui gagnait sa vie en distrayant les officiers supérieurs de l'armée suisse, avait le malheur de fréquenter l'attaché militaire libyen. Elle fut jugée à huis clos et condamnée à plusieurs années de prison. 
 
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17 novembre 1917 
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Ce jour-là... 
 
 
 
Clemenceau forme un gouvernement de choc 
 
 
Le 17 novembre 1917, Georges Clemenceau (76 ans) forme un gouvernement de choc afin de poursuivre et intensifier la guerre avec l'Allemagne. 
 
Il est appelé à la présidence du Conseil par son vieil ennemi, le président de la République Raymond Poincaré. 
 
Obnubilé par la volonté de poursuivre la guerre jusqu'à la victoire, Clemenceau a auparavant torpillé une offre de paix séparée de l'empereur d'Autriche-Hongrie, Charles 1er, communiquée aux Alliés par le prince Sixte de Bourbon-Parme.  
 
Il prend la tête du gouvernement français à un moment crucial où le pays est saisi par le doute. Sur le front, des soldats excédés par l'incompétence de leur chef en arrivent à se mutiner. 
 
Dans son discours d'investiture devant la Chambre des députés, le nouveau président du Conseil annonce son intention de traquer les défaitistes et les traîtres de l'arrière. 
 
Son discours fait appel aux tripes des auditeurs :  
«Nous prenons devant vous, devant le pays qui demande justice, l'engagement que justice sera faite, selon la rigueur des lois... Plus de campagnes pacifistes, plus de menées allemandes. Ni trahison, ni demi-trahison. La guerre. Rien que la guerre. Nos armées ne seront pas prises entre deux feux. La justice passe. Le pays connaîtra qu'il est défendu». 
 
Clemenceau veut prouver aux soldats qui se battent dans les tranchées que l'on se préoccupe d'eux et que l'arrière assume sa part de leurs souffrances. Pour les besoins de sa démonstration, il va très vite chercher à faire des exemples sans s'embarrasser de juridisme. 
 
Son ancien ministre des Finances Joseph Caillaux, qui fit voter en 1911 l'impôt sur le revenu, est jeté en prison sur une fausse accusation et échappe de justesse à une exécution dans les fossés de Vincennes.  
 
Un ancien ministre de l'Intérieur, Louis Malvy, échappe aussi de peu à la mort. D'autres, moins connus et moins entourés, n'ont pas leur chance. 
 
Sa détermination vaut au président du Conseil d'être surnommé le «Tigre» ou le «Père de la Victoire». Les poilus témoignent d'une grande affection pour le vieillard qui n'hésite pas à ramper jusqu'à eux dans les tranchées et l'appellent plus simplement «Le Vieux». 
 
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8 janvier 1918 
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Ce jour-là...  
 
 
 
 
Les Quatorze Points de Wilson 
 
 
 
Dans un discours retentissant du 8 janvier 1918, le président étasunien Thomas Woodrow Wilson énonce un programme en Quatorze Points pour mettre fin à la Grande Guerre. 
 
Les cinq premiers points, de portée générale, préconisent la fin de la diplomatie secrète, la liberté des mers, le libre-échange, la réduction des armements et le droit des peuples colonisés à disposer d'eux-mêmes. 
 
Les points suivants se rapportent au réglement du conflit : restitution de l'Alsace-Lorraine à la France, création d'un État polonais indépendant,... 
 
Le président suggère de réserver à la future Pologne un accès à la mer. La revendication hitlérienne sur ce fameux couloir de Dantzig sera à l'origine immédiate de la deuxième Guerre mondiale ! 
 
Le dernier point, reflétant l'idéalisme du président, annonce la création d'une Société des Nations. 
 
Wilson réussira à faire passer une partie de son programme dans le traité de Versailles. Mais le Congrès des États-Unis refusera de signer celui-ci ainsi que d'entrer à la Société des Nations. Les Quatorze Points resteront comme le souvenir d'un bel idéal.  
 
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11 novembre 1918 
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Ce jour-là... 
 
 
 
 
Un armistice met fin à la Grande Guerre 
 
 
 
 
 
Le 11 novembre 1918, à 11 heures, dans toute la France, les cloches sonnent à la volée. 
 
Au front, les clairons bondissent sur les parapets et sonnent le «Cessez-le-Feu», «Levez-vous», «Au Drapeau».  
 
La «Marseillaise» jaillit à pleins poumons des tranchées. Même soulagement en face, dans le camp allemand. 
 
Pour la première fois depuis quatre ans, Français et Allemands peuvent se regarder sans s'entretuer. 
 
Un armistice a été conclu le matin entre les Alliés et l'Allemagne, dernière des Puissances Centrales à rendre les armes. 
 
L'armistice laisse derrière lui huit millions de morts et six millions de mutilés. Les survivants veulent croire que cette guerre qui s'achève restera la dernière de l'Histoire, la «der des der»...  
 
Défaite inéluctable de l'Allemagne 
 
Dès l'échec de leur contre-offensive de juillet 1918, les Allemands ont compris qu'ils n'avaient plus aucun espoir d'arracher la victoire. 
 
Les troupes étasuniennes, potentiellement fortes de quatre millions d'hommes, arrivent en renfort des Anglais et des Français.  
 
La 1ère armée américaine du général John Pershing lance sa première offensive à Saint-Mihiel, près de Verdun, le 12 septembre 1918. Ce tardif engagement suffit à convaincre les Allemands de leur infériorité. 
 
Les Alliés mettent aussi en ligne en nombre croissant des chars blindés («tanks») qui ont raison des barbelés qui protègent les tranchées allemandes. 
 
Le 28 septembre 1918, le quartier-maître général («Generalquartiermeister») Erich Ludendorff, chef des armées allemandes et véritable maître du pays, apprend que ses alliés bulgares s'apprêtent à signer un armistice.  
 
Au quartier général allemand de Spa, en Belgique, Ludendorff, abattu, a un entretien dramatique avec l'empereur Guillaume II.  
 
Il lui révèle que la situation militaire est désespérée et que l'armistice est devenu inévitable. 
 
Le 3 octobre, enfin convaincu de l'inéluctabilité de la défaite, l'empereur Guillaume II nomme chancelier le prince Max de Bade, un modéré dont il espère qu'il saura obtenir des conditions de paix modérées de la part des Alliés. 
 
Le nouveau chef du gouvernement en appelle aussitôt au président étasunien Wilson. Mais celui-ci refuse toute négociation avec l'empereur comme avec les militaires.  
 
Maladroit, il en appelle à l'avènement d'un régime démocratique à Berlin. Le 26 octobre, Guillaume II, ne sachant que faire, demande et obtient la démission de Ludendorff. 
 
Les Puissances Centrales se délitent 
 
L'Allemagne bascule dans l'anarchie et la guerre civile. 
 
Le 3 novembre, dans le port de Kiel, les marins de la flotte de guerre refusent d'aller à nouveau au combat. Ils se mutinent et entraînent les ouvriers de la ville. La contagion révolutionnaire se répand à Hanovre, Cologne et Brunswick. 
 
A Munich, le 7 novembre, un socialiste, Kurt Eisner, dépose le roi de Bavière et installe un Conseil ouvrier. La Bavière menace de faire sécession ! 
 
Entre-temps, l'un après l'autre, les alliés de l'Allemagne cessent les combats et signent des armistices (l'armistice est un arrêt des combats dans l'attente d'un traité de paix en bonne et due forme). 
 
Les Bulgares, bousculés par l'armée du général Louis Franchet d'Esperey, signent un armistice dès le 29 septembre. Le 30 octobre, c'est le tour des Turcs. Ils signent à Moudros, sur l'île de Lemnos, en mer Egée, un armistice avec les Britanniques (ces derniers négligent d'associer les Français à la signature). 
 
De l'Autriche-Hongrie se séparent les Tchécoslovaques le 28 octobre et les Hongrois le 1er novembre. L'empire croupion de Charles 1er signe le 3 novembre à Villa Giusti un armistice avec l'Italie après que celle-ci eut enfin réussi une percée victorieuse à Vittorio-Veneto. 
 
Le 9 novembre au matin, la contagion révolutionnaire gagne Berlin. Une émeute éclate à l'instigation des spartakistes, un groupe très actif de militants marxistes-léninistes conduit par Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg. 
 
Le prince Max de Bade téléphone à l'empereur, à Spa. «Votre abdication est devenue nécessaire pour sauver l'Allemagne de la guerre civile», lui dit-il. Comme ses propres généraux plaident aussi en faveur de l'abdication, Guillaume II s'y résout enfin.  
 
L'ancien empereur part en exil aux Pays-Bas. Ses six fils jurent de ne lui succéder en aucun cas. 
 
A Berlin, le même jour, le prince Max de Bade cède la chancellerie au leader social-démocrate Friedrich Ebert tandis que, dans une atmosphère révolutionnaire, un autre chef social-démocrate, Philipp Scheidemann, proclame la République. 
 
Un armistice mal accepté 
 
Les militaires s'étant défaussés, c'est à un civil, Matthias Erzberger, que revient la pénible tâche de négocier l'armistice (cela lui vaudra d'être assassiné par les nationalistes allemands le 26 août 1921). 
 
Les négociateurs n'ont pas attendu la démission de l'empereur pour négocier l'arrêt des combats. Partis de Spa le 7 novembre à midi, ils ont franchi les lignes ennemies avec un drapeau blanc et sont arrivés à La-Capelle-en-Thiérache (Aisne) le soir même. 
 
En France, leur demande d'armistice fait débat. Le président de la République Raymon Poincaré et le général Philippe Pétain voudraient profiter de l'avantage militaire pour chasser les Allemands de Belgique, envahir l'Allemagne elle-même et signifier à celle-ci l'étendue de sa défaite.  
 
Mais le généralissime des troupes alliées, Ferdinand Foch, et le chef du gouvernement, Georges Clemenceau, ne l'entendent pas de cette oreille.  
 
Ils ne croient pas l'armée française capable de se battre encore longtemps et souhaitent en finir au plus vite. Ils craignent aussi qu'à trop tarder, l'Allemagne ne devienne comme la Russie la proie des révolutionnaires bolcheviques. 
 
L'armistice est signé dans le wagon spécial du généralissime Foch, au carrefour de Rethondes, au milieu de la forêt de Compiègne, le 11 novembre à 5h15 du matin. 
 
Les Français ne manquent pas de noter que ce jour est la fête du saint patron de leur pays, Saint Martin. 
 
La délégation allemande est conduite par Matthias Erzberger, le général von Winterfeldt et le capitaine de vaisseau Vanselow. Lui font face dans le wagon l'amiral Sir Rosslyn Wemyss, Premier Lord de l'Amirauté britannique, et le maréchal Ferdinand Foch. Le général Maxime Weygand assiste les deux plénipotentiaires alliés. 
 
Au lieu des «propositions » qu'ils attendent, les Allemands, «à la merci des vainqueurs » selon Foch, se voient soumettre des «conditions ». Aucune marge de négociation ne leur est laissée ! 
 
Ils se voient imposer la livraison de 5000 canons, 25000 mitrailleuses, 1700 avions, de leurs sous-marins et de leur flotte de guerre (celle-ci se sabordera dans la rade britannique de Scapa Flow)... 
 
L'armée allemande est sommée d'évacuer sous quinze jours les territoires envahis ainsi que l'Alsace-Lorraine, et sous 30 jours la rive gauche du Rhin et trois têtes de pont sur la rive droite, Coblence, Cologne et Mayence.  
 
L'armistice est conclu pour 36 jours mais sera régulièrement renouvelé jusqu'au traité de paix du 28 juin 1919. 
 
Amertume des vaincus 
 
En France, l'anniversaire de l'armistice ne tarde pas à devenir une commémoration essentielle de la vie nationale, avec dépôt de gerbes devant les monuments aux morts de chaque village et sur la tombe du Soldat inconnu, sous l'Arc de Triomphe de la place de l'Étoile, à Paris. 
 
Rien de tel en Allemagne où les citoyens notent avec consternation que leur pays n'a pas été envahi et que leurs armées ne se sont pas effondrées. 
 
La demande d'armistice étant venue des représentants civils et non militaires de l'Allemagne, ces derniers échappent à l'infâmie de la défaite.  
 
À Berlin, les représentants de la jeune République accueillent les combattants en ces termes : «Soldats qui revenez invaincus,…» 
 
Dans les mois qui suivent l'armistice, Ludendorff et Hindenburg attribuent avec aplomb la défaite militaire à un «coup de poignard dans le dos» de la part des politiciens et des bourgeois cosmopolites. 
 
L'expression est reprise avec ferveur par les Allemands meurtris et humiliés. Elle va faire le lit des partis ultranationalistes, dont le parti nazi. 
 
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28 juin 1919 
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Ce jour-là...  
 
 
 
 
Paix bâclée à Versailles 
 
 
Le 28 juin 1919, un traité entre l'Allemagne et les Alliés règle le conflit qui débuta à Sarajevo 5 ans plus tôt, jour pour jour, et se termina par l'armistice de Rethondes. 
 
8 millions de morts (dont 1.400.000 pour la France) témoignent de l'horreur exceptionnelle de cette guerre sans précédent dans un continent qui avait réuni au XIXe siècle tous les atouts de la prospérité, de la grandeur et de l'harmonie. 
 
Un bouleversement sans précédent 
 
Des traités de paix avec chacun des pays vaincus concluent la Grande Guerre de 1914-1918. 
 
La carte du continent européen en sort complètement transformée avec la disparition de quatre empires, l'allemand, l'austro-hongrois, le russe et l'ottoman, au profit de petits États nationalistes, souvent hétérogène, revendicatifs... et impuissants. 
L'Europe après la Première Guerre mondiale (1923)  
 
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Cette carte montre l'Europe après la Première Guerre mondiale et les traités qui ont fait éclater les 4 empires de 1914. Noter la multiplication de petits pays inaptes à se défendre et le couloir de Dantzig qui partage en deux le territoire allemand.  
 
 
 
 
Le premier des traités de paix et le plus important est signé avec l'Allemagne dans la galerie des Glaces au château de Versailles, sur les lieux mêmes où fut fondé l'empire allemand le 18 janvier 1871. 
 
Des négociateurs divisés 
 
En rupture avec les traditions diplomatiques de l'ancienne Europe, les plénipotentiaires allemands sont contraints d'attendre à la porte du château et reçus de la plus mauvaise manière qui soit.  
 
Pour mieux les humilier, le président du Conseil Georges Clemenceau a fait installer des blessés de guerre autour de la table du traité.  
 
Pour la forme, les représentants de 27 pays alliés font face aux Allemands. Mais le traité de Versailles a été concocté en cercle fermé par quatre personnes seulement.  
 
Les quatre négociateurs sont le Français Georges Clemenceau (*), le Britannique David Lloyd George, l'Américain Thomas Woodrow Wilson sans oublier l'Italien Vittorio Orlando. 
 
Ce sont des hommes du centre gauche, méfiants à l'égard de l'Église et des catholiques autrichiens et ennemis des communistes qui tiennent la Russie sous leur botte et sèment la Révolution en Europe centrale. 
 
 
 
 
 
Les quatre négociateurs alliés, Lloyd George, Orlando, Clemenceau et Wilson  
 
 
Le président Wilson est un idéaliste qui veut imposer le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes conformément à ses 14 Points de janvier 1918, au risque de créer en Europe centrale des États-croupions non viables.  
 
Malgré la contribution tardive et relativement modeste de ses troupes, il se présente en véritable leader du monde civilisé. à la différence des pays européens, les États-Unis ont en effet accru leur puissance économique du fait même de la guerre et des ventes d'armement aux Alliés franco-anglais. 
 
Le Premier ministre britannique Lloyd George lorgne sur les colonies allemandes et le marché intérieur des vaincus. Il voudrait éviter de trop écraser les puissances d'Europe centrale. 
 
Le souhait de Lloyd George est contrecarré par le président du Conseil français Georges Clemenceau. Celui-ci bénéficie du soutien passionné du peuple français qui a le sentiment justifié d'avoir donné son sang plus qu'aucun autre dans la Grande Guerre et entend bien être payé de son sacrifice.  
 
La récupération sans référendum de l'Alsace-Lorraine, annexée en 1871 par l'Allemagne, est un minimum.  
 
Clemenceau veut par ailleurs humilier de toutes les façons possibles l'Allemagne et détruire l'Autriche-Hongrie, coupable à ses yeux d'être modérée, catholique et monarchiste. Le «Tigre» n'a cure de l'équilibre de l'Europe et du nécessaire rétablissement de relations harmonieuses. 
 
Le quatrième négociateur est le Premier ministre italien Vittorio Orlando. Plein de faconde, il ne souhaite rien d'autre que des annexions autour de la mer Adriatique, au détriment de l'Autriche-Hongrie (il quitte provisoirement la table des négociations en mai 1919 pour appuyer ses revendications). 
 
Un traité excessivement dur 
 
Les plénipotentiaires allemands ont été tenus à l'écart des débats sur la préparation du traité. 
 
Selon les termes de celui-ci, leur nation est en premier lieu amputée du huitième de son territoire et du dixième de sa population. Elle est par ailleurs soumise à des limitations de souveraineté humiliantes.  
 
– L'Allemagne perd l'Alsace et la Lorraine du nord (Metz), annexées en 1871. Le territoire est restitué à la France sans référendum mais conserve ses particularités de l'époque impériale.  
 
À la différence du reste de la République française, les trois départements demeurent ainsi soumis au Concordat de 1801 qui régit les rapports entre l'État et l'Église catholique. 
 
– L'Allemagne perd aussi les villes d'Eupen et Malmédy au profit de la Belgique et surtout une grande partie de ses provinces de l'Est à l'exception de la Prusse orientale (Koenigsberg) au profit d'une Pologne ressuscitée. 
 
– L'Allemagne est également dépouillée de ses colonies africaines au profit de la France, de la Grande-Bretagne et de l'Union sud-africaine, ainsi que de la province chinoise du Chan-tong au profit du Japon (ce qui provoque les protestations de la Chine, qui quitte la conférence en mai 1919). 
 
– Aux marges orientales de la nouvelle Allemagne, le traité ressuscite une Pologne hétérogène (avec une forte minorité germanophone) dont le seul accès à la mer passe par les territoires allemands. C'est le corridor de Dantzig qu'elle se montrera inapte à défendre. 
 
– Les royaumes et les principautés qui composaient l'Empire allemand et pouvaient servir de contrepoids à l'autoritarisme prussien sont dissous. Il est vrai que leur souverains avaient abdiqué avant même l'armistice (*) du 11 novembre 1918.  
 
À la place de l'Allemagne impériale s'installe un État démocratique et républicain, ce dont se réjouissent les Français. Mais cette «République de Weimar», du nom de la ville où se réunit l'assemblée constituante, aura bien des difficultés à résister aux pressions de la rue. 
 
– L'armée allemande est réduite à 100.000 soldats de métier et la marine de guerre à 16.000 hommes. Les forces armées sont interdites d'artillerie lourde, de cuirassés et d'avions. Il ne leur est pas permis de faire appel à des conscrits. 
 
– Les Alliés prévoient d'occuper militairement pendant 15 ans la rive gauche du Rhin ainsi que trois têtes de pont sur le Rhin (Mayence, Cologne, Coblence). Il est prévu également une zone démilitarisée de 50 km de large sur la rive droite du Rhin. 
 
– Le gouvernement allemand doit reconnaître sa responsabilité dans le déclenchement de la guerre, ce qui relève d'une interprétation pour le moins tendancieuse de l'Histoire. On lui demande qui plus est de livrer l'ex-empereur Guillaume II (alors en exil) pour le juger comme criminel de guerre ainsi que quelques autres hauts responsables. 
 
– Enfin, l'Allemagne est astreinte à de très lourdes «réparations» matérielles et financières.  
 
Le montant final en sera fixé après la signature du traité de Versailles, en 1921, à 269 milliards de mark-or. C'est plus qu'une année du revenu national de l'Allemagne.  
 
L'économiste britannique John Maynard Keynes, qui recommandait de ne pas aller au-delà de 70 à 80 milliards pour ne pas compromettre la reconstruction de l'économie allemande et les échanges internationaux, démissionne de sa fonction d'expert à la conférence.  
 
«L'Allemagne paiera !» répondra plus tard Clemenceau à qui l'interpellera sur les difficultés de la reconstruction de la France. Dans les faits, l'incapacité (et la mauvaise volonté) de l'Allemagne à payer les réparations seront à l'origine de graves crises financières et politiques dans l'ensemble de l'Europe. 
 
– Le traité de Versailles prévoit par ailleurs la création d'une Société des Nations pour le règlement des conflits à venir, selon les généreux principes du président américain.  
 
Une opinion allemande indignée 
 
Les plénipotentiaires allemands prennent connaissance du texte final du traité sans qu'ils aient pu négocier quoi que soit. C'est une première lourde de conséquences dans les annales de la diplomatie européenne.  
 
En Allemagne, c'est l'indignation. L'opinion publique qualifie le traité de Diktat. Plus tard, les extrémistes auront beau jeu de se prévaloir de cette infraction aux règles diplomatiques pour en contester les dispositions.  
 
L'assemblée réunie à Weimar se résigne néanmoins à approuver le traité le 22 juin 1919, avant qu'il ne soit signé dans la galerie des Glaces de Versailles. 
 
Cela n'empêchera pas le Sénat américain de rejeter le traité de Versailles et par la même occasion la SDN, compromettant la mise en œuvre du traité et le succès de la nouvelle organisation. 
 
Du français à l'anglais  
 
Clemenceau, au cours des pourparlers de Versailles, fait étalage de sa maîtrise de la langue anglaise (il a séjourné aux États-Unis et épousé une habitante de ce pays). 
 
Lorsque Lloyd George et Wilson proposent d'adopter l'anglais comme langue de travail aux côtés du français, il n'y fait pas opposition. 
 
Le traité de Versailles est lui-même rédigé en français et en anglais, les deux versions faisant également autorité. 
 
C'est ainsi qu'avec l'approbation de la France victorieuse, le français n'est plus, pour la première fois depuis le traité de Rastatt de 1714, la langue officielle de la diplomatie occidentale.  
 
 
 
 
Les traités secondaires 
 
Dans les mois et les années qui suivent, plusieurs traités font suite à celui de Versailles. Ils définissent les conditions de paix avec les autres vaincus de la Grande Guerre : l'ancienne Autriche-Hongrie signera à Saint-Germain-en-Laye et à Trianon, la Turquie à Sèvres puis à Lausanne. 
 
– C'est ainsi que sur les débris de l'Autriche-Hongrie, le traité de Saint-Germain-en-Laye crée une Tchécoslovaquie à la merci de ses minorités étrangères et une Autriche réduite à presque rien et incapable d'une autre ambition que de fusionner un jour avec l'Allemagne. 
 
– Les Italiens veulent annexer différents territoires autour de la mer Adriatique au nom de l'«égoïsme sacré» de la Nation.  
 
Le problème est que ces annexions violent le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et ne sauraient être justifiées par la contribution discutable des troupes italiennes à la victoire.  
 
C'est ainsi qu'ils se voient refuser par les autres Alliés le droit d'annexer le port de Fiume et la Dalmatie.  
 
Leur déception sera exploitée par maints agitateurs, au premier rang desquels le futur dictateur Benito Mussolini. 
 
Bibliographie 
 
Les opinions européennes ont cru avec l'armistice du 11 novembre 1918 que la guerre qui prenait fin serait «la der des der» (la dernière des guerres). Les illusions se dissiperont dès la signature des traités...  
 
Les clauses du traité de Versailles contiennent en effet les germes d'un autre conflit, comme le montre dès 1920 Jacques Bainville dans un petit essai prophétique : Les conséquences politiques de la paix. 
 
L'historien résume la paix de Versailles dans une formule cinglante et juste : «Une paix trop douce pour ce qu' elle a de dur et trop dure pour ce qu'elle a de doux».  
 
Dans un essai parallèle, Les conséquences économiques de la paix, l'économiste britannique John Maynard Keynes met en évidence l'ineptie des réparations imposées au vaincu. Trop lourdes pour être effectivement appliquées.  
 
 
 
 
 
FIN 
 
 
 
Recheche et plantation MameMor  
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

  
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Modifié en dernier lieu le
19.02.2009